EXTRAITS de BIG BANG BABY
Première partie
« Je vais faire le test. Il y avait
tant d’émotions inconnues et confuses chez chacun de nous que nous sommes
restés très silencieux. Nous nous sommes allongés, blottis l’un contre l’autre,
le test à côté de nous, et nous avons attendu, un peu tremblants. Nous n’étions
pas pressés. Je crois même que j’aurais voulu que le temps s’étire, pour que
mes émotions s’ordonnent et s’apaisent, pour pouvoir consacrer à la nouvelle
qui nous attendait toute l’intensité qu’elle méritait. »
« Le déroulement de
ces actions s’est fait dans une sorte de brouillard : brouillard de nuit,
brouillard de fatigue, brouillard de douleur. Régulièrement, une vague
électrique me saisissait les reins, d’abord comme une morsure, puis se
répandait dans mon ventre et devenait si vive que je devais m’accroupir au sol
pendant plusieurs minutes, ou me recroqueviller sur moi.
Les vagues
de douleur donnaient à mes actions un rythme de procession, et le flou dans
lequel elles me plongeaient créait comme une aura de sacré. C’était moi qui
allais accoucher, qui allais percer le mystère de l’enfantement en le vivant
dans ma chair, j’allais incarner cette scène vue dans tant de films, racontée
dans tant d’écrits, si intime, si universelle, et qui allait pourtant être si
unique, si individuelle.
J’allais
donner la vie. »
« On y est presque ! On voit la
tête ! Poussez, poussez plus fort ! ». Je me rappelle simplement
m’être dit que c’était impossible, de pousser plus fort, que j’étais au maximum
de mes forces, d’avoir eu peur, et puis d’avoir senti que mon corps donnait
plus, tellement plus, c’était presque effrayant de sentir que mon corps était
capable de dépasser de si loin ce que je pensais être le paroxysme de ses
capacités. Je crois, maintenant, aux histoires impensables de mères qui, après
un accident, sont capables de soulever une voiture pour sauver un enfant, aux
conclusions scientifiques sur le fait que nous n’utilisons qu’un pourcentage
infime de nos capacités : je l’ai senti dans mon corps, dans cette poussée
si charnelle, si totalement concrète et pourtant presque irréelle. Jamais je ne
vivrai mon corps de la même manière, plus jamais je ne douterai que l’on puisse
accomplir des merveilles, et atteindre l’inimaginable, plus jamais je ne
poserai de limites à ma pensée, les choses incroyables me sembleront envisageables,
finalement.
Lucie Citharelle
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