mardi 21 mai 2013

EXTRAITS de BIG BANG BABY

 

Première partie


 

            « Je vais faire le test. Il y avait tant d’émotions inconnues et confuses chez chacun de nous que nous sommes restés très silencieux. Nous nous sommes allongés, blottis l’un contre l’autre, le test à côté de nous, et nous avons attendu, un peu tremblants. Nous n’étions pas pressés. Je crois même que j’aurais voulu que le temps s’étire, pour que mes émotions s’ordonnent et s’apaisent, pour pouvoir consacrer à la nouvelle qui nous attendait toute l’intensité qu’elle méritait. »

 

     « Le déroulement de ces actions s’est fait dans une sorte de brouillard : brouillard de nuit, brouillard de fatigue, brouillard de douleur. Régulièrement, une vague électrique me saisissait les reins, d’abord comme une morsure, puis se répandait dans mon ventre et devenait si vive que je devais m’accroupir au sol pendant plusieurs minutes, ou me recroqueviller sur moi.
     Les vagues de douleur donnaient à mes actions un rythme de procession, et le flou dans lequel elles me plongeaient créait comme une aura de sacré. C’était moi qui allais accoucher, qui allais percer le mystère de l’enfantement en le vivant dans ma chair, j’allais incarner cette scène vue dans tant de films, racontée dans tant d’écrits, si intime, si universelle, et qui allait pourtant être si unique, si individuelle.
   J’allais donner la vie. »

 

     « On y est presque ! On voit la tête ! Poussez, poussez plus fort ! ». Je me rappelle simplement m’être dit que c’était impossible, de pousser plus fort, que j’étais au maximum de mes forces, d’avoir eu peur, et puis d’avoir senti que mon corps donnait plus, tellement plus, c’était presque effrayant de sentir que mon corps était capable de dépasser de si loin ce que je pensais être le paroxysme de ses capacités. Je crois, maintenant, aux histoires impensables de mères qui, après un accident, sont capables de soulever une voiture pour sauver un enfant, aux conclusions scientifiques sur le fait que nous n’utilisons qu’un pourcentage infime de nos capacités : je l’ai senti dans mon corps, dans cette poussée si charnelle, si totalement concrète et pourtant presque irréelle. Jamais je ne vivrai mon corps de la même manière, plus jamais je ne douterai que l’on puisse accomplir des merveilles, et atteindre l’inimaginable, plus jamais je ne poserai de limites à ma pensée, les choses incroyables me sembleront envisageables, finalement.

 

Lucie Citharelle
 

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